J'ai probablement rencontré Christelle pour
la
première fois, au festival de Saint-Aignan-Sur-Cher en 2008, mais nous
nous connaissions avant... Nous avons passé quelques heures à échanger
via Skype, autour du p'tit monde de l'harmonica qui nous
rassemble ici... Je l'ai aussi découverte sur sa chaine
YouTube
dans sa
chambre: la pièce où elle pouvait jouer tranquillement chez ses parents
en se filmant. J'ai vu sa progression et j'ai de suite remarqué son
talent, la sensibilité qui ressortait de ses vidéos et qui s'invite
bien volontiers chez nous. Pour obtenir 24 Millions de vue en dix ans
sur sa chaine YouTube, il n'y a pas de hasard... Connaissant bien
Christelle pour nos échanges depuis des années, un entretien avec elle
me parraissait à la fois logique voire indispensable, mais j'attendais
un événement pour lui proposer: La sortie de son premier disque !...
Malgré son parcours atypique et son succès sur YouTube, Christelle
déchaîne des passions. Le fait que ce soit l'harmoniciste française la
plus connue dans le monde, des mystères qui la regarde, sa façon d'être
pas forcément prévisible,
un certain malaise s'était installé... Comme toujours, on
ignore le positif et le négatif fait causer (Défaut qu'on
retrouve si souvent dans la société)... Christelle est plus
appréciée
pourtant qu'elle ne veut le croire, car elle doute beaucoup même si
elle semble montrer l'opposé... Pour beaucoup elle reste une énigme...
A
Trossingen quand elle a eu la médaille d'argent, nombre d'harmonicistes
très réputés du monde entier venaient me voir au lieu de l'approcher
elle, pour
dire que c'était super cette médaille et qu'il ne fallait pas être
triste. Ils n'osaient pas l'aborder, mais une chose est sure: ils
voulaient la consoler, calmer sa déception. Quand vous aurez lu
l'entretien, vous la verrez
d'un autre oil, beaucoup plus indulgents vous verrez (Quand on ne sait pas on peut se
tromper...quand on sait, difficile de trouver une excuse ) ...
Patrice Rayon >
Comment as-tu commencé la musique?
Christelle Berthon > Salut
Patrice. En fait c'est une anecdote que je raconte souvent car la
question est posée fréquemment, ce sont mes parents qui me l'on
racontée et qui corrobore certains de mes souvenirs: j'avais 3 ans et
demi, ma mère m'a demandé de ranger le coffre à jouets qui m'était
dédié, et mon père m'avait acheté une flûte à bec en plastique quelques
mois auparavant. Je ne voulais pas ranger alors j'ai tapoté sur la
flûte constatant que cela créait des sons différents, plus ou moins
hauts. Mon pouce à trouvé sa place à la place du trou, et en soufflant,
tout de suite s'est mise en place “A La Clair Fontaineâ€. Par la suite
j'étais en permanence avec ma flûte à bec à l'école, mais surtout chez
mes parents, où je passais mon temps derrière la chaine Hi - Fi, à
tenter de reproduire les mélodies de la radio ou des rares disques
parentaux.
Patrice
R. > Tes instruments: Flûte, Hautbois, harmonica ... il y en a
d'autre... Tu les as appris dans quel ordre... Tu peux nous raconter
ton parcours ?
Christelle B. > D'abord la
flûte, ensuite le hautbois à l'âge de 14 ans, et l'harmonica diatonique
enfin. J'ai eu pas mal de plaisir avec un saxophone alto (que
j'ai revendu pour financer une tentative de déménagement en Allemagne
pour rejoindre quelqu'un. Je le regrette car j'ai perdu les deux)
la cornemuse aussi...Je suis fascinée par les instruments à vents et ils
me parlent...En revanche tous les instruments à cordes et claviers
divers, je suis une idiote finie, incapable de sortir quoique ce soit.
PR > Es-tu
autodidacte ?
CB > En vrai un gros OUI !
Un
professeur de sciences physique en 3ème
disait souvent, non sans une certaine fatalité, que je suis “en
permanence a ré inventer la roueâ€, je suis mauvaise élève mais très
bonne observatrice. Même le conservatoire: je n'étais pas bonne élève
car j'ai eu ma médaille en hautbois alors que j'avais 5 ans de retard
en solfège. Je n'en suis pas fière, mais je préférais utiliser mon
oreille (que
je n'ai pas
“absolueâ€, mais j'ai une excellente oreille relative).
Pour l'harmonica Jean Jacques Milteau m'a donné un cours chez lui, qui
m'a mise sur la voie sur certaines choses, mais en vrai comme
d'habitude il m'a fallu beaucoup de travail pour comprendre vraiment
par moi-même.
PR > Des
influences ? Peut-être aussi dans ton entourage proche, familial,
copains...
CB > Rien ! Personne dans ma
“famille†ne fait de musique, mais dès petite les sons ont toujours eu
ma fascination, je collais à chaque jour de pluie mon oreille sur les
fenêtres pour les sons de l'eau, j'y passais des heures et des heures (confidence : je
le fais toujours).
Mes influences ce sont les mélodies, j'en suis folle, car j'aime les
comprendre et ensuite essayer de m'en servir pour les interpréter selon
ce que je pense au moment où je les joue.
PR > D'où te
vient ton intérêt pour l'harmonica ?
CB > La dernière chanson de
la face B d'un 33T de l'American Folk Blues Festival que j'avais pris à
la bibliothèque municipale, le garçon qui jouait s'appelait Sonny Boy
Williamson et il jouait un truc tout seul sur un instrument que je ne
connaissais pas du tout. Les papillons dans le ventre, la peau qui
s'hérisse jusqu'au cuir chevelu, il ne m'en fallait pas plus pour
tomber irréversiblement en amour avec cet instrument. Il fallait que
j'en achète un.
PR
> As-tu suivi des stages de musique ? Parfois c'est aussi l'occasion
d'en faire découvrir à ceux qui lisent les entretiens... CB > Dans les années 90 et ce durant 1an et demi avant que je n'arrête la musique complètement durant plus de douze ans, j'avais fait le Stage de Monteton, je ne sais pas si il existe toujours, autrement non, j'ai fait très peu de Stage. |
|
Pour
te répondre: Je suis aussi passé à Monteton (super souvenir). Le stage
existe toujours, mais il a bougé à Meillac en Corrèze et s'appelle
désormais "DuRockDansL'blues"...
Monteton
continue toujours à faire
d'excellents stages de musiques, mais plus la même formule (venez jouer
avec les pros). Les deux valent vraiment le coup !...
PR > Tu
pratiques combien d'heure par jour ? Tu as toujours pratiqué autant ?
CB > Depuis que je suis
revenue en France il y a presque 4 ans je ne vis pas dans de très
bonnes conditions (appartement
non insonorisé)
alors je ne peux plus travailler sans m'attirer les foudres
d'imbéciles. Les vidéos que j'ai enregistrées l'ont été avec la peur
d'entendre la sonnette de la porte... Mais avant j'ai travaillé pendant 5
ans, minimum 6 heures par jour. Puisque je ne peux plus travailler,
j'essaie de visualiser dans ma tête ce que je peux faire à l'harmonica
lorsque j'entends un morceau.
PR > Tu règles
tes harmonicas ?
CB > Les régler est un bien
grand mot, je démonte les capots, je ferme un peu au feeling les trous
4 à 10, sur les plaques soufflées et aspirées, mais je n'y passe pas
des heures, si je passe 20 minutes sur un harmonica, c'est bien le
maximum. Attention je ne dis pas que c'est bien, j'ai des tonnes de
trucs à apprendre là -dessus, mais ça m'agace, surtout que je suis très
très maladroite.
PR > Tu lis le
solfège... Avec le diatonique tu appliques le solfège, la notation
solfège ?
CB > Clef de Sol, Clef de Fa
4eme,
ça peut aller mais de là à dire que je suis une lectrice, cela serait
mentir. Je sais ce que c'est que quelqu'un sachant vraiment lire une
partition, et j'en suis très loin. J'ai essayé de me servir du solfège,
sur le diatonique mais cela ne marche pas pour moi, en lisant je gagne
en précision peut-être, mais je perds quasiment tout en émotions et
intentions musicales. Et surtout qu'on ne me parle pas de tablatures,
je suis contre. L'oreille toujours l'oreille et du travail.
PR
> Je t'ai vue souvent à St Aignan (Harmonicas sur Cher).
T'arrive-t-il d'aller faire un tour dans des festivals d'harmonica hors
de France ? Tu as joué à Ampoigné, mais aussi dans d'autres festivals ?
CB > Souvent? Vraiment?
2008, 2009 et 2017, ce sont les seuls festivals de St Aignan sur Cher
où je suis allée, et St Aignan j'y suis toujours allée pour aller
écouter les harmonicistes que j'aime musicalement. En revanche en tant
que prof, ou pour les concerts, j'ai fait la Hollande, La Suisse, SPAH
aux USA, et cette année en Estonie.
PR
> Nombreux sont les artistes musiciens qui avaient une formation
scolaire sans rapport avec la musique à l'origine. C'est ton cas ? Tu
as travaillé dans d'autres domaines avant de te consacrer à la musique ?
CB > Musicienne je l'ai
toujours été comme je l'ai dit en début d'interview, j'ai même eu un
BAC A3 musicologie, mais en 96 j'ai tout arrêté, plus une seule note
jouée, alors j'ai fait une bonne dizaine de jobs différents, pour
tenter d'être normale ou adaptée si on préfère, mais cela n'a pas
vraiment marché.
PR > A part la
musique, l'harmonica, tu as des passions, des activités préférées ?
D'autres que tu aimerais faire ?
CB > En fait la musique
n'est PAS une passion, c'est juste quelque chose que je fais, dont j'ai
besoin et c'est l'une des très très rares choses qui me font un peu de
bien, mais mes vraies passions c'est Spinoza, Deleuze, Schopenhauer, le
cinéma quelque soit le genre (sauf
les films de karaté ou d'automobiles, ou ceux avec trop d'armes à feu),
l'activisme athée, le féminisme. Mais par-dessus tout, mon activité
principale c'est d'essayer de canaliser le flot de mes pensées et de
mes émotions. Un vrai travail à plein temps.
PR > Tu as eu
des références prédominantes côté harmonicistes, autre musiciens
(groupes etc...) ?
CB > Des références? Diantre
! Fichtre ! Il y a tellement de musiques et musiciens, harmonicistes ou
non. Je suis une fan de Mark Knopfler pour toute ma vie, et ce depuis
1981. Chez les harmonicistes, j'ai des envies, (dans le sens
d'envier quelqu'un)
j'aimerais avoir la poésie de Michel Herblin, le sens du groove de
Sonny Terry, la folie de Peter MadCat, l'élégance de Carlos del Junco,
mais ces envies sont assorties du savoir que c'est une illusion de
vouloir s'en inspirer car cela sera de toute façon stérile et sans la
véracité du modèle. Mon morceau favori c'est le Concerto en Sol de
Ravel, interprété par Brigitte Engerer.
PR > Tu as joué
avec un ou plusieurs groupes ?
CB > Non juste invitée dans
des formations, mais je ne suis pas capable de monter de tel projets.
PR > Comment
t'es-tu retrouvée avec Melody Gardot sur scène ?
CB > Cela a été juste une
vidéo enregistrée sur YouTube sur une de ses chansons, j'ai partagé sur
son Twitter et Facebook et 3 jours après je me suis retrouvée sur scène
avec ses musiciens et elle-même. C'est juste le résultat d'un hasard
heureux, c'est tout.
PR > J'ai vu
une vidéo où tu joues avec Louis Bertignac chez toi. Comment l'as-tu
rencontré, et l'as-tu revu ?
CB > En fait ce n'était pas
chez moi, mais chez lui. Louis m'a invité pour lui donner un cours
d'harmonica (car il en joue),
et après le cours on a fait un jam qu'on a enregistré. Je laisse la
vidéo pour des raisons sentimentales, mais ce n'est pas ce que j'ai
fait de mieux, et il y a si longtemps...Je ne joue plus comme cela,
heureusement. Et non depuis 2010 je n'ai pas revu ni parlé avec Louis.
PR > Tu joues
seulement du diatonique côté harmonica ?
CB > Oui je suis une
obsessionnelle du diatonique, mais puisque je ne peux plus vraiment
travailler je lorgne su côté de l'harmonica MIDI de Erik Lekholm, au
moins je pourrais mettre les écouteurs.
PR
> Que penses-tu de l'évolution de l'harmonica en tant que instrument
et aussi des techniques de jeu... par exemple l'engouement pour les
overnotes au diatonique...
CB > Là je ne vais pas faire
plaisir à beaucoup de monde, pour moi l'harmonica est un instrument en
sursis, c'est un instrument qui se meure, plus personne ne fait appel à
cet instrument dans des albums de locomotives de l'industrie du disque,
et de plus l'électronique est partout. Cet état de fait est de la
responsabilité des harmonicistes eux même, il y a toujours trop de
mauvais harmonicistes partout tout le temps, qui se pointent lors de
concerts (l'harmonica
est
ultra portatif),
qui se disent savant jouer alors qu'ils n'ont pas le niveau d'un gamin
de 12 ans ayant un an de guitare. Cela a créé une mauvaise réputation
autour de l'harmonica depuis des décennies. La technique de jeu est
hyper importante, pour moi il n'y a PAS DE DEBAT sur l'utilisation des
overbends, les altérations dite “classique†ne sont pas “naturellesâ€
elles non plus et ceux qui disent que les overbends ne sonnent pas,
sont en général ceux qui ne jouent pas bien les altérations aspirées
des trous 1 à 6, ces altérations elles aussi ne sont pas “naturellesâ€,
donc faire un procès sur le overbends est complètement stupide...Avec du
travail, du cour et du goût (bon
ou mauvais), tout est bon comme technique.
PR
> T'intéresses-tu beaucoup à tout ce qui est effets, amplis, micros?
Tu veux bien nous dire ce que tu utilises habituellement comme matériel
?
CB > Non plus du tout, les
effets cela me fait sourire ou me procure même de l'émotion, mais
maintenant je préfère le son direct acoustique de l'harmonica. Et puis
être fondamentalement pauvre n'encourage pas à acheter des amplis à
2000 euros. J'adore chez Carlos del Junco, Dennis Gruenling, ou même
Jason Ricci, mais pour moi j'ai laissé tomber l'affaire.
PR
> Au niveau de tes relations avec les autres. Je te connais bien
depuis au moins dix ans je pense. On a pas mal causé via Skype; ça
m'amène à te poser une question délicate, mais qui peut répondre à pas
mal de questions de tes admirateurs, voir aussi ceux qui critiquent
sans chercher à comprendre. On a aussi vu plusieurs vidéos où tu
partageais des moments de détresse. On voit ta sensibilité dans ton
jeu, mais en étant un atout important, est-ce que ce n'est pas une
forme de handicap du côté relationnel?
Tu m'as expliqué quelque chose qui me parait très important pour ceux
qui se poseraient des questions. Je connais plusieurs personnes comme
toi et quand tu m'as dit ça j'ai de suite compris plein de choses... Tu
serais d'accords pour en parler un peu?
CB > Tout ce que je peux
dire la dessus sera à la fois très incomplet et sera perçu par certains
comme une pathétique tentative d'excuses ou d'attirer une certaine
sympathie compassionnelle, mais c'est bel et bien ma réalité, et je ne
cherche plus à m'excuser d'être qui je suis. Le sujet est complexe et
me prendrai une bonne cinquantaine de pages pour être un peu complète,
je vais tenter de résumé les choses...Je n'ai jamais été sociale, d'aussi
loin que je me souvienne. Chaque fois que j'ai tenté de l'être cela
s'est soldé par des échecs à répétitions, suivant les mêmes motifs. Je
ne comprends pas beaucoup des interactions sociales qui apparemment
semblent évidentes, pareille pour certaines plaisanteries. Je suis en
étant d'angoisse permanente lorsque je suis avec quelqu'un ou pire
plusieurs personnes, je ne sais pas comment réagir et comment
débrancher le flot de pensées et de l'attitude à adopter. J'ai appris à
planquer ces crises d'angoisse. En bref même si j'ai appris à donner le
change tant bien que mal, les gens me font peur car je ne les comprends
pas...Je me suis prise en main il y a 2 ans en cherchant un psy digne de
ce nom, pour avoir le fin mot de l'histoire et le diagnostic est tombé,
je suis autiste Asperger haut niveau. Il n'est pas rare que le
diagnostic tombe tard dans la vie. Je vous renvoie à internet pour
vraiment comprendre et passer le cap des mots “autisme asperger†qui
fait peur à tout le monde et qui renvoi à des formes du syndrome qui ne
sont pas une généralité.
(En réaction à ta réponse, l'autre amie qui est aussi autiste asperger m'a confiée, il y a à peine un mois, les mêmes choses que ce que tu viens de décrire. Elle a eu un fils qu'elle a élevé et son relationnel avec son fils, comme ses parents ou ses fréquentations autre est très inhabituel... Elle se contrôle tant qu'elle peut mais arrivée en fin de journée elle est épuisée, et ses réactions deviennent très surprenantes, même parfois choquantes. Elle possède une mémoire phénoménale et à les capacités pour lire, comprendre et retenir de long textes, même complexes, en quelques secondes. Elle pourrait te lire le bottin téléphonique une seule fois et te le réciter... Un peu comme Rain Man: Pourtant Rain man il est sympathique... En tant que spectateur on ne le juge pas parce qu'on sait... Finalement on peut se demander si c'est la peur de l'inconnu qui fait qu'on puisse te critiquer. Mais une fois prévenu et au courant...juste l'imbécilité et ça j'en suis, en un mot, convaincu !... A méditer pour ceux qui désormais ont lu l'article... Avant ils ne savaient pas, peut être parceque tu dissimulais tant bien que mal... Au fond sois toi même, et constate que le nombre de vues sur ta chaine YouTube confirme quelque part une forme de sympathie que tu n'as pas compris, si ça peut modérer ta peur du jugement des autres ?!?? Va t'on visiter quelqu'un qu'on aime pas, surtout si ça nous coûte, à moins d'avoir un mauvais fond? Je ne t'ai pas posé la question innocemment et merci pour ton honnêteté dans tes réponses car si ce n'est pas forcément facile d'admettre qu'on a une différence, il est d'autant plus courageux de le partager ainsi... Fin de ma parenthèse...)
PR> YouTube:
Plus de 23 millions de vues en 10ans et pas de groupe?
Pourquoi avoir attendu si longtemps pour faire un CD qui, de plus, est
aussi
réussi ?!!!
CB > Ce “métier†se compose
de 70% de relation sociales, et 30% de musique, alors comme je suis
seule en permanence, cela n'aide pas. YouTube n'a toujours été que le
partage pur et simple; il n'y a jamais eu de stratégies commerciales
quelconques. Le fait que je sois la première mondiale en terme
d'abonnés et de nombres de vues, ne signifie RIEN, si ce n'est
peut-être que les gens aiment la musique que je fais car elle est de
qualité, mais surtout gratuite. La plupart des gens ne veulent plus
payer pour de la musique. De plus mis à part la musique, je ne sais
rien faire, ou plus précisément ce que je sais faire n'est pas
monnayable. Tout cela n'aide pas à financer quoique ce soit.
PR > Avec le
recul Trossingen est-il un bon souvenir ? Tu y retournerais ?
CB > Non pas un bon
souvenir, et non je n'y retournerai pas. Même si j'ai eu le deuxième
prix, j'ai été une idiote de participer, la musique n'est pas un
concours mais à l'époque je cherchais tous les moyens d'être un peu
reconnue pour le travail effectué. Mais j'avais oublié la politique et
les bruits de couloirs du petit monde de l'harmonica, surtout chez
Hohner. Et puis aujourd'hui je n'en ai RIEN à faire d'être
meilleure
que quelqu'un d'autre, je veux juste être authentique et singulière, et
cela ne peut pas se noter.
PR > Tu donnes
des cours d'harmonica ? Si oui ça se passe comment ?
CB > Il suffit de me
contacter par email, ensuite je donne la procédure de paiement, puis
nous faisons un essai par le logiciel Skype.
PR > Tes
étudiants sont d'où ? Pas uniquement des français ?
CB > En fait j'ai peu
d'étudiants français, la grande majorité vient de pays aussi variés que
la Russie, le Royaume Unis, Canada USA etc etc...
PR > Tu as des
styles de musique préférés ?
CB > Non pas du tout, tout
ce qui me fait du bien, ou me révolte attire mon attention. Même si je
n'aime pas le RAP par exemple cela me force à en écouter plus pour
comprendre pourquoi, et au détour de beaucoup de choses que je n'aime
pas du tout, je suis surprise d'être happée par une pépite.
PR > Sur ton
disque "Breathe to me", il y a surtout des compositions ?
CB > 7 morceaux sur les 11
qui constituent mon 1er album sont quelques une de mes
compositions,
d'autres sont des Co compositions avec Philippe Drevet. Et d'autres
sont des reprises ou interpellations.
PR > Peux-tu nous
raconter ton expérience, ta découverte, les surprises, les difficultés
etc ?
CB
> En
fait j'avais, il y a quelques années, essayé des plateformes de
financement participatif, sans succès puisque qu'instrumentiste
harmoniciste. Un de mes contacts Facebook m'a pointé vers
KissKissBankBank et à ma surprise j'ai surpassé l'objectif de la somme
à collecter.
La surprise a été la condescendance des gens impliqués dans le projet,
respect du fric que j'apportais, mais plus personne après la post prod.
Je suppose que c'est comme ça que les choses se passent dans ce
“métier†mais c'est loin d'apporter la magie de la confection d'un
premier album. A ce jour la VLF production ne m'a toujours pas versé ma
part, alors que tout le monde a été payé. Il n'y a pas eu véritablement
de découverte puisque j'avais déjà fait pas mal de séances studio
lorsque j'habitais en Nouvelle Zélande.
PR > la
rencontre des musiciens
CB > Il y a Philippe Drevet
à la basse et contrebasse qui est aussi le réalisateur de l'album,
Thierry Garcia aux guitares, Julien Lallier aux claviers, Didier Guazzo
à la batterie et Matthias Labbe au tabla. La rencontre s'est fondée
uniquement sur le plan professionnel, mise à part un peu avec Philippe
il n'y a pas eu de contact affectif.
PR > l'ambiance
etc...
CB > J'ai sciemment voulu
l'album ULTRA accessible, sans démonstration, je voulais juste un album
de ballades ou les mélodies que l'on écoute peuvent être facilement
mémorisées. Je voulais aller à l' opposé de l'album de démonstration
ou de n'énième album de blues. On m'en fera le reproche, on me l'a déjà
fait, mais je n'ai rien à prouver.
PR > Comment
as-tu décidé de l'ordre des morceaux ?
CB > J'ai choisi cet ordre
d'une manière complètement arbitraire en essayant de me mettre à la
place
de quelqu'un écoutant les morceaux seul la nuit...Ca m'a semblé logique.
PR > Est-ce que
chaque morceau a une histoire ? Saurais-tu nous en parler ?
CB > Il y a des références
personnelles derrière chacun des morceaux c'est sûr. En revanche deux
soulignent des événements qui m'ont blessés jusqu'aux tréfonds:
Novembre (2015) est un morceau tentant de retranscrire mes impressions
lors des attentats de Paris, Charlie y compris. Mélanie était une
composition pour un amour, qui s'est forcément mal terminé.
PR > On le
trouve où ?
CB > Dans deux bonnes
crémeries, la FNAC et amazon.fr
PR > Tu
voudrais faire des concerts de ce CD, voire de morceaux additionnels ?
C'est prévu ?
CB > J'aurais bien aimé
tourner avec l'album, mais ceci est tributaire des ventes de l'album,
et si ces ventes peuvent motiver un tourneur. On verra ce qui se passe.
PR > Tu fais du
studio ? Voudrais-tu en faire plus ?
CB > J'adorerais être 10
heures par jour dans les studios, mais cela n'est pas arrivé et
n'arrivera probablement pas
PR > Tu chantes
?
CB > Non je ne chante pas,
j'en suis physiquement incapable. Les rares vidéos postées où je chante
ne sont le résultat que de plusieurs prises accouchées dans la douleur.
Alors j'ai laissé tomber cet aspect de la musique, ce n'est pas à mon
âge que je vais commencer le chant
PR
> Là tu me surprends sur tes talents de chanteuse... Te souviens tu
de la fois où tu m'avais fait écouter sans me dire qui chantait? Ne
penses-tu pas que ça pourrait être lié à ta peur du jugement des autres
? Et avec le temps ça ne pourrait vraiment pas changer ? On
a toujours le droit de changer d'avis en évoluant...
CB > Non cela n'a RIEN a
voir par rapport au “jugement†des autres comme tu dis, si cela avait
été le cas je l'aurais dit de suite. Je ne changerai pas d'avis,
l'harmonica remplacera ma voix. D'ailleurs beaucoup d'harmonicistes ne
chantent pas
PR
> Tu as voyagé beaucoup... Tu peux nous dire un peu où et combien de
temps, quelques expériences dans ces pays, des rencontres ?
CB > J'ai vécu en Irlande,
en Finlande, un peu aux USA et un peu moins de deux ans en Australie,
mais ce n'était pas à proprement parlé des voyages. Certes j'ai pris
l'avion donc déplacement, mais en fait je vivais dans les pays où je
suis allée, j'avais numéro de sécu et tout. Mais particulièrement la
Nouvelle Zélande qui est ma vraie terre, le seul endroit dans le monde
où je sens avoir enfin des racines. Je ne peux pas y retourner d'une
manière définitive car je ne suis pas éligible pour un Visa de
résidence permanent, mais si un jour quelqu'un me dit que c'est
possible, une semaine après cette nouvelle je suis dans l'avion pour ne
plus revenir en France. 4 ans après mon retour ici, je suis malheureuse
ici, pourtant j'ai tout essayé pour me reconnecter à ce pays où je suis
pourtant née: sans succès.
PR > On est
souvent tenté de classer ou cantonner les musiciens dans des styles... Et
toi ?
CB > Je n'ai pas de style je
suis juste une éternelle fascinée par les mélodies
PR > Tu as des
projets en cours ? Pas forcément liés à l'harmonica...
CB > .Le 1er Novembre 2017
je repars pour Aotearoa (Nouvelle Zélande) pour 3 mois, c'est mon seul
projet actuel.
Merci à
toi Christelle d'avoir accepté de te livrer autant. Si tu me permets je
voudrais quand même conclure sur un événement dont j'avais envie de
parler, mais seulement une fois que le lecteur a lu l'article dans son
intégralité: La fois où j'ai vu le plus d'harmonicistes parmi
nos
meilleurs réunis, ce n'était pas à un festival mais à Utopia
à Paris,
pour faire la surprise à Jean-Jacques Milteau pour ses 60ans...Et c'est
toi Christelle qui était à l'initiative de cette surprise! Quand on te
connait on sait que ça te faisait plaisir. C'était probablement une
façon de dire merci à Jean-Jacques, mais tu as pris
énormément sur toi car si la soirée fut très réussie, tu en a eu gros
sur la patate le soir même, parce que gérer le relationnel sans être
maladroit avec ton autisme, c'était hyper dure. La chose à retenir
aujourd'hui: Merci pour cette soirée et bravo de l'avoir fait parce que
pour toi c'était titanesque, même si tes invitations ne laissaient rien
deviner!...
Bon ! La Nouvelle-Zélande tout le monde dit que c'est super
beau, et ce n'est pas Brendan Power qui va dire le contraire...
J'espère bien que tu repasseras en France ou alors faudra que tu nous
reçoive la bas... J'espère que ton salon sera grand car 24 Millions
dans une chambre c'est déjà beaucoup mais alors dans dix ans!...
Psssssst, à” toi lecteur ou lectrice !!!! Si tu n'as pas son disque, tu sais ce qu'il te reste à
faire... Télé Matin ne s'est pas trompé en lui faisant spontanément de
la pub ce 25 août 2017 dans leur superbe rubrique musicale... Tiens
voilà l'extrait: